Loi, liberté et souveraineté
Publié par Emanciper le
LOI, LIBERTÉ et SOUVERAINETÉ
Par Gérard VOLAT
Deuxième volet de notre réflexion avec Jean-Paul Jouary et son analyse et commentaires pertinents du «Contrat social » de Jean-Jacques Rousseau, extraits de son livre « Rousseau, citoyen du futur » *. Une nouvelle occasion d’interroger notre régime avec les contraintes imposées actuellement d’en haut par le gouvernement et un président omnipotent.
Posons nous la question : peut-on fonder le droit sur la force ?
Lorsqu’on obéit à un État, un prince, un gouvernement, parce qu’on sait qu’en refusant de le faire on s’expose à une sanction, on ne le fait pas volontairement mais par crainte de la force.
Écoutons Rousseau :
« Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c’est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ? »
Tout pouvoir qui prétend être en droit d’imposer une décision pour la seule raison qu’il est le pouvoir substitue la force au droit. Dès lors remarque Rousseau, le citoyen n’a plus le devoir d’obéir, puisqu’il est engagé dans un simple rapport de force, et non dans une relation où la règle repose sur un choix libre.
Qui prétendrait aujourd’hui que cette idée ne le concerne pas ? C’est le fil conducteur de tout le Contrat social :
« Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle, chacun s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui même et reste aussi libre qu’auparavant. »
Chaque mot compte dans cette phrase qui résume tout le projet politique de Rousseau : il faut se demander comment nous pourrions nous unir autour de lois qui nous protègent, et que nous devrions respecter tout en demeurant totalement libres.
Si nous avons tendance à considérer qu’en société notre liberté est limitée par les lois, c’est tout simplement parce que nous ne ressentons pas la plupart de ces lois comme librement choisies par nous-mêmes. D’où cette idée que notre liberté s’arrête là où commence celle d’autrui.
Nous devrions pourtant considérer que ma liberté et celle des autres commencent et s’arrêtent ensemble !
Mais cela supposerait la claire conscience que les lois manifestent la volonté délibérée du peuple, et surtout que ce soit le peuple lui-même qui soit à leur origine.
« Obéir à des règles que l’on s’est prescrites est liberté »
Nous devons pour faire société, nous donner des règles, des lois et y consentir mais à la seule condition de les avoir écrites nous-mêmes, collectivement.
« le peuple soumis aux lois en doit être l’auteur ; il n’appartient qu’à ceux qui s’associent de régler les conditions de la société »
Si, en effet, une collectivité se donne explicitement une règle, nulle personne de bonne foi ne peut prétendre subir une contrainte en y obéissant : on le voit dans le sport, dans les jeux, mais aussi chaque fois que les humains ont besoin de se mettre d’accord pour vivre en harmonie. On le voit sur l’interdiction du crime, du viol, du vol, de l’agression : même le coupable a tant conscience que ces lois manifestent la libre décision de tous, qu’il cherche à se disculper et non à justifier les actes dont on l’accuse.
On le voit aussi dans la vie quotidienne : qui justifierait qu’on puisse brûler des feux rouges, stationner devant les sorties d’hôpitaux, ou rouler en moto sur les trottoirs ?
Dans tous les cas, il y a « volonté générale », c’est à dire librement consentante à une règle dont chacun ressent la nécessité rationnelle absolue et qui vaut pour tous. Si bien qu’en l’imposant au coupable, nul n’a le sentiment que l’on porte atteinte à une liberté mais au contraire que l’on protège la liberté de tous.
Sur ces exemples, cette idée de Rousseau va de soi. Pourquoi ne vaudrait-elle pas pour tout l’ordre politique ? Cela voudrait dire que pour être légitimes, toutes les lois doivent être fondées sur la liberté du peuple souverain.
« je dis donc que la souveraineté n’étant que l’exercice de la volonté générale ne peut jamais s’aliéner, et que le souverain qui n’est qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui même… »
Il y a donc une réelle prétention à vouloir représenter le peuple, c’est à dire gouverner à sa place.
Quelle est la légitimité d’élus avec 10 à 20 % de voix, prenant des décisions importantes pour la vie des populations tant au niveau local qu’au niveau national ?
Nous avons pu vérifier, aujourd’hui, que la mise en avant du concept de « démocratie participative » n’est qu’un leurre, un subterfuge, un outil de communication pour faire croire au bon peuple qu’il peut donner son avis. Son avis sur le changement d’heure, l’ouverture des magasins le dimanche et la couleur des pots de fleurs, dans le meilleur des cas.
Donner son avis mais décider du « bien commun », JAMAIS.
Il devient plus qu’urgent de changer les règles, les lois et notre constitution datant de 1958, obsolète et antidémocratique.
Nous reviendrons lors d’un autre article sur le concept de souveraineté afin d’alimenter notre réflexion commune.
« Rousseau, citoyen du futur », Jean-Paul JOUARY, le livre de poche, 2012
Du Contrat social, Jean-Jacques Rousseau, Flammarion