RIC CONSTITUANT : UN PREMIER DROIT POLITIQUE, UN OUTIL D’ÉMANCIPATION (partie 2)

Publié par Emanciper le

RIC CONSTITUANT : UN PREMIER DROIT POLITIQUE, UN OUTIL D’ÉMANCIPATION (partie 2)

Le point de vue de Gérard Volat, porte-parole du Collectif de réflexion « Brave Soldat Chveïk » (octobre 2022)

Dans la première partie de l’entretien, vous avez abordé la nécessité de modifier l’article 89 de la Constitution

Il est bon de rappeler que le RIC Constituant est une modification constitutionnelle instaurant le référendum obligatoire et le droit d’initiative citoyenne Constituant dans l’article 89 de la Constitution française, qui énonce les règles nécessaires à sa modification. C’est un outil pour décider et non pas pour être seulement consulté. Actuellement, nous ne sommes pas libres car nous ne pouvons rien décider que ce soit au niveau national ou local (1)

Pouvez-vous nous présenter ces modifications ?

L’article 89 actuel qui s’intitule : « De la Révision » dispose que les changements de la Constitution (2) doivent être :

. proposés soit par le président de la République, soit par les parlementaires ;

. approuvés soit par référendum, soit par trois cinquièmes des parlementaires (convoqués en congrès par le président)

La population est donc exclue de ce processus.

La proposition de révision vise à ce que les changements constitutionnels soient les suivants:

. proposés par le président de la République, par les parlementaires ou par 700 000 citoyens ; (3)

. approuvés uniquement par référendum soit par trois cinquièmes des parlementaires

Le référendum obligatoire est introduit par la suppression de l’alinéa 3 de l’article 89 actuel. Alinéa 3 supprimé : «  Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de la soumettre au parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas , le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale. »(4)

Quel est l’atout de l’initiative citoyenne ?

L’atout majeur de l’initiative citoyenne est d’être exemptée d’un examen et d’un vote par le parlement (Assemblée Nationale et Sénat). La validité de la procédure sera garantie par l’ordre judiciaire (délai de récolte des signatures et validité de celles-ci) dans les conditions fixées par le nouvel article 89 (4). En donnant aux citoyens un contrôle de la Constitution et en divisant les pouvoirs, cela permettrait d’obtenir une gouvernance plus démocratique, les règles du jeu politique actuel étant viciées.

Pourquoi le RIC Constituant est-il prioritaire ?

C’est un tout premier droit politique pour les citoyens qui peuvent l’utiliser ou non mais qui n’en sont jamais dépossédé.

Avec le RIC, chaque citoyen et j’insiste sur ce point, chacun d’entre nous dispose du pouvoir de proposer ou de s’opposer à une loi en tout temps. Cela en fait l’outil indispensable au pouvoir citoyen comparé à d’autres réformes – reconnaissance du vote blanc, instauration de la proportionnelle, qui toutes intéressantes qu’elles soient, ne donnent pas de façon permanente un premier droit politique aux citoyens.

De quels droits sommes-nous privés ?

Nous sommes en particulier privés de droits cruciaux pour nous protéger des tendances autoritaires et oligarchiques :

– Pouvoir initier une loi ou l’abroger même lorsque les élus n’y sont pas favorables.

– Se prononcer sur les propositions portées par nos concitoyens, en prenant part à un référendum non initié par les élus. Cette possibilité existe pourtant dans 36 pays (11 où c’est effectif)

Enfin dans plus de 70 pays, les citoyens sont obligatoirement consultés par référendum pour toute décision sur les changements les plus importants, d’ordre constitutionnel ou relevant de traités internationaux comme les traités relatifs à l’Union Européenne. Autrement dit, il est impossible dans ces pays de produire de tels changements sans qu’il y ait un référendum. On parle alors de « référendum obligatoire ».

Toute transition démocratique passe nécessairement par L’obtention de ces droits.

Selon vous quelles sont les vertus du RIC Constituant ?

J’en vois plusieurs : sa clarté, son caractère inclusif, sa solidité face aux tendances oligarchiques et sa capacité à influencer la politique même lorsqu’il n’est pas utilisé.

La clarté car tout citoyen est inclus dans le processus de décision. Chacun peut proposer une loi et l’ensemble du corps électoral accepte ou refuse la proposition à la majorité simple.

Tous les citoyens sont inclus, de droit, dans toutes les phases de décision et à tout moment alors qu’aujourd’hui, nous ne sommes inclus que dans la sélection des représentants et parfois dans des référendums venus uniquement d’en haut et dont le résultat n’est pas respecté comme le TCE en 2005 (5)

L’inclusion d’un maximum de citoyens est essentielle à la paix sociale, puisqu’elle légitime les décisions et facilite leur acceptation, en particulier lorsqu’une mesure est susceptible d’avoir un lourd impact sur la vie collective.

Le RIC n’exige pas d’investissement démesuré. Il repose sur une mobilisation minimale des citoyens : s’informer et se déplacer aux urnes pour voter sur les propositions de leurs concitoyens. Chacun peut à tout moment, intégrer le processus. C’est la clef de son succès partout où il existe.

Vous parliez d’effet même quand il n’est pas utilisé ?

Même quand les citoyens ne lancent pas d’initiative, la simple existence du RIC suffit à changer radicalement la politique dans un pays. Cet effet est particulièrement mal compris par ses opposants, qui le caricaturent en affirmant qu’« on ne peut pas voter sur tout, tout le temps ».

Que leur répondez-vous ?

La réalité est plus subtile. Lorsque les citoyens peuvent écrire et voter la loi en tous temps, cela conduit les élus à travailler avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête. Cette menace d’une « censure du peuple », pour reprendre le terme de Condorcet (6), les conduit à être plus attentifs dans la formulation des projets et propositions de loi, et à se soucier du soutien de différentes minorités à leur projet. Cela explique pourquoi le RIC est associé à une culture politique plus respectueuse de la diversité d’opinion et plus consensuelle. Cet outil contraint les élus à ce haut degré de respect, d’inclusion et de compromis avec toutes les parties, auquel ils se soustraient ordinairement pour satisfaire les seules minorités qui les élisent. Quand les citoyens ont des droits, leurs revendications ne peuvent plus être méprisées.

Il existe pourtant des dispositifs de démocratie participative ?

Dans l’expression « démocratie participative », le mot « démocratie » est de trop. Car les gens ne décident pas. La « démocratie participative » est un système où l’on éduque la foule et laisse décider les « élites ». Cela n’a rien à voir avec le RIC Constituant où les gens décident. Ce qui change tout , c’est le droit de décider.

Que dire des propositions d’un changement de Constitution par des personnes tirées au sort ?

Il nous faut changer de Constitution, c’est une évidence. Pourquoi devrions-nous, collectivement, subir des règles instituées en 1958, dans un contexte particulier ad vitam aeternam ? La procédure souvent avancée du tirage au sort y compris intégral pour constituer une équipe qui travaillera à la rédaction des articles de la nouvelle Constitution possède de réels atouts. C’était le principe central dans la Grèce antique, à Athènes (7) et il a montré une efficacité mais, aujourd’hui, le principe du RIC Constituant reste supérieur en terme de démocratie.

Pourquoi ?

Je précise tout d’abord que le RIC Constituant n’est pas antinomique avec un changement de Constitution mais le RIC doit y figurer impérativement. Une assemblée tirée au sort avec tous ses mérites repose sur une logique qui reste représentative. Qui nous garantira que les personnes tirées au sort inscriront la modification de l’article 89 tel que préconisé?

Celui qui n’est pas retenu pour siéger dans l’assemblée constituante perd son droit fondamental à écrire et contrôler les règles constitutionnelles. Il est dessaisi de tout pouvoir de décision. Le risque est d’être privé d’un premier droit politique majeur. Le RIC, au contraire, permet à chacun de prendre part au système de décision à tout moment, sans avoir besoin de limiter le nombre de citoyens inclus.

Par ailleurs, lorsque les débats sont clos, le nouveau texte constitutionnel ne peut plus être amendé. On ne change pas de Constitution tous les trois ans (la cinquième république dure depuis 64 années) d’où l’intérêt d’un référendum sur le RIC Constituant en amont d’une révision Constitutionnelle et son mérite d’une question simple, claire à laquelle l’on peut répondre « oui » ou « non » sans qu’elle soit mêlée, noyée dans les débats nécessaires suscités sur chaque article de la constitution qui ne manqueront pas d’advenir.

D’ailleurs, vouloir tout changer d’un coup n’est peut-être pas la solution idéale. La nouvelle constitution sera meilleure si elle est amendée progressivement par l’ensemble des citoyens et seul le RIC Constituant permet une évolution permanente des règles du jeu politique.

Enfin, en absence de RIC, la nouvelle Constitution ne produira pas, de pression permanente sur le travail des élus.

Quels sont les freins à l’instauration du RIC ?

La mise en œuvre de cette révolution démocratique ne présente aucun problème d’ordre technique ou juridique. Les freins sont exclusivement politiques. N’importe quel président véritablement démocrate peut donner le contrôle de leur destin aux citoyens français.

Quel serait le bon calendrier d’un président démocrate ?

Le seul moyen de donner le pouvoir aux citoyens est de convoquer un référendum sur un projet de modification de la Constitution. La façon la plus facile pour lancer un tel référendum est d’activer l’article 11, qui permet au président de soumettre un projet de loi à référendum sur proposition du premier ministre afin de modifier l’article 89.

Pourquoi ne pas passer par le parlement ?

Cela implique de rassembler les trois cinquièmes des députés et sénateurs. Le Sénat n’étant pas renouvelé aux législatives et ayant par le passé bloqué toute réforme progressiste, cela semble tout bonnement impossible. D’où l’importance d’utiliser la présidentielle pour revendiquer nos droits. Cependant, rien n’empêche des députés et sénateurs progressistes de faire une proposition de loi sur le RIC Constituant ce qui permettra de faire connaître cet outil central de démocratie à leurs collègues, aux journalistes, à la population.

Que souhaitez vous dire en forme de conclusion ?

Les citoyens sont les meilleurs garants de leurs droits et les meilleurs défenseurs de leurs intérêts à condition d’avoir le droit politique de décider. N’est-il pas temps comme le souligne Olivier Meuwly (8) de « Repositionner l’élu du peuple dans la dépendance de ce dernier et non arrimer la nation aux volontés erratiques d’une représentation qui a appris à vivre par elle même» ?

C’est la possibilité qu’offre le RIC Constituant, une arme démocratique puissante, émancipatrice pour le peuple avec le pouvoir d’initiative et de référendum.

GV décembre 2022

(1) Je reprends intégralement dans les lignes qui suivent les éléments de l’ouvrage de Clara Egger « Pour que voter serve enfin », p.75-77, Studios Talma, 2022 ; j’y ajoute quelques remarques et commentaires personnels.

(2) Constitution de la République française, Ferdinand Mélin-Soucramanien, p.104,105, Édition Dalloz, 2019

(3) Il y a débat sur le nombre, certains proposent le nombre de 5 ou 600 000 personnes, chiffre important mais plus accessible.

(4) Clara Egger, opus cité, p.76-77. Le délai proposé de récolte des signatures est de dix-huit mois. Toute initiative recueillant ses soutiens avant ce délai serait soumise à validation immédiatement. La validité des signatures est contrôlée par la Cour de cassation dans un délai qui ne peut dépasser une durée maximale de quatre mois.

(5) en 2005, le peuple Français rejetait le TCE (traité Constitutionnel Européen) à 54,7 % des voix et en 2008, le Président Sarkozy, sans proposer un nouveau référendum, convoquait le parlement en congrès à Versailles et 96 % des députés et sénateurs approuvaient le traité de Lisbonne, une copie du TCE précédemment refusé par le peuple Français. Avec le RIC, cette manœuvre anti-démocratique n’aurait pu advenir.

(6) Dans son projet de constitution de l’An 1 en 1793.