LE RIP EST UNE TROMPERIE. Ric oui, Rip non

Publié par Emanciper le

Le RIP est une tromperie

LE RIC OUI / LE RIP NON


A l’époque révolutionnaire, en septembre 1789, l’abbé Sièyes, l’un des pères fondateurs du nouveau régime déclare : « Le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants (…) Les citoyens qui nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait pas un État représentatif, ce serait un État démocratique »


Pourquoi le RIP est-il une tromperie ?


Le RIP ou Référendum d’initiative partagée relève de l’article 11 de la Constitution, mesure imaginée à l’époque (23 juillet 2008) par le président Sarkozy, lors d’une révision Constitutionnelle.


Cette information le rend déjà suspect si l’on veut bien se souvenir que Sarkozy avait convoqué le parlement (députés et sénateurs) en congrès à Versailles, le 4 février 2008, pour faire ratifier le traité de Lisbonne par 96 % des élus alors même qu’en 2005, 55 % de la population avait voté NON au Traité Constitutionnel Européen.


Il s’agissait donc d’une forfaiture, une trahison, un déni de démocratie. Ce jour là, le président Sarkozy n’a donc pas obtenu son brevet de démocrate mais plutôt celui d’ennemi de la « démocratie » pour faire passer, en France, l’orientation libérale de l’UE afin de satisfaire les marchés financiers.


Pouvez-vous nous donner les étapes de la procédure du RIP ?


Première étape, il faut réunir 185 parlementaires (députés et sénateurs). On constate bien que la population est écartée. Elle n’a pas le droit d’initier ce référendum. Aucun article, d’ailleurs, n’existe dans la Constitution l’autorisant.


Certes, mais dans le cas actuel de la réforme des retraites, 252 parlementaires ont signé la demande de RIP (mars 2023)


C’est exact, nous pouvons, si la demande est acceptée par le conseil constitutionnel (réponse le 14 avril 2023)* passer à l’étape suivante, à savoir le recueil des voix. Il faut 10 % des inscrits, à savoir : 4 millions 870 000 voix et non pas comme on a pu l’entendre dans les médias « environ 4 millions de voix ». On ne peut pas se contenter d’approximations. Le chiffre est considérable. Pour mémoire, lors de la tentative de RIP sur le dossier des aéroports de Paris, environ 1 million 100 000 voix avait été réunies.


Imaginons que compte tenu d’une population particulièrement hostile à cette mesure régressive d’allongement de deux années de travail (les 64 ans), on obtienne les voix suffisantes, le référendum sera alors bien déclenché ?


Absolument pas. Et c’est toute la perversion de cet article à l’image de nombreux autres de cette Constitution verrouillée et, de fait, anti-démocratique. Le référendum ne sera jamais déclenché et le peuple, une nouvelle fois trompé.


Pourquoi ?

Parce que la troisième étape qui permet au président de soumettre la proposition de loi au référendum – lui seul peut le faire – ne sera jamais remplie. En effet, à ce stade, même si les deux premières conditions sont réalisées, la troisième ne pourra jamais advenir.


Pour quelle raison, sera-t-elle impossible ?

Parce qu’il est obligatoire que dans un délai de 6 mois, aucune des deux chambres (assemblée nationale et sénat) ne se saisisse de la proposition (la discuter et la voter).


A ce moment là, si aucun parlementaire ne s’est saisi de la proposition, le président « la soumet » (1) au référendum.


Qui peut imaginer, un seul instant, qu’aucun député ou sénateur ne va se saisir de la proposition ?

Le gouvernement peut, d’ailleurs, demander à son « groupe politique » de se saisir de la proposition.


Et si un parlementaire le fait, tout repart à zéro, l’assemblée délibère à nouveau.


Cependant, soyons positifs et imaginons que l’Assemblée Nationale donne un avis favorable pour le RIP, la proposition passe alors au Sénat qui délibère à son tour.


Les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat)doivent s’accorder sur un texte commun.


Imaginons que les deux chambres donnent un avis favorable et s’entendent sur le texte, vous vous dites : Ouf ! le parcours du combattant est terminé, le président va soumettre la proposition au référendum. A voir…


Dans la première phrase de l’article 11(2), il est écrit : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet (3) de loi… » Ce « peut » entre en contradiction avec « soumet la proposition ».

Dans leur commentaire de la Constitution (4), deux spécialistes du droit, précisent : «…le président de la République n’est pas pour autant tenu de convoquer le référendum: la Constitution exprime bien que, même dans ce cas, il peut soumettre le texte au peuple, et non qu’il y est tenu.**

C’est donc mission impossible ?

Totalement. Il ne faut pas être naïf. Il est donc surprenant que des parlementaires aient souhaité activer le RIP (Référendum d’initiative partagée) au lieu de promotionner le RIC Constitutionnel ou Constituant (inscrit dans la Constitution) qui, lui, permettrait à un seul citoyen ou un groupe de personnes d’avoir l’initiative de proposer des lois –comme en Suisse- et de déclencher, in fine, un référendum sans que le parlement ni le président n’aient leur mot à dire. (voir par ailleurs, les articles sur le RIC Constituant). De plus, si le RIP est déclenché, j’y vois un risque d’effet pervers pour la cause de transition démocratique permise avec le RIC Constitutionnel ou Constituant.


Une explication ?

Si le RIP recueille, par exemple, 1 ou 2 millions de voix sur le dossier « retraite », très médiatisé, il sera difficile ensuite de déclencher des référendums dans le cadre d’un RIC Constituant avec un seuil de 500 000 ou 700 000 voix qui sont des chiffres raisonnables – ni trop peu ni trop grand- car un seuil minimal trop important, par exemple 1 million, rendrait, là aussi, impossible l’initiative citoyenne qui est une voie de sortie intelligente si l’on veut aller vers des principes démocratiques, une société plus apaisée face à des institutions délégitimées.


Ainsi, l’exemple du RIP, en plus d’être inopérant, créerait un précédent dommageable, en ralentissant l’avancée de transition démocratique, de l’outil politique émancipateur du RIC Constituant, prioritaire aujourd’hui, si l’on veut sortir du système oligarchique et de la verticalité du monarque présidentiel.


Et c’est ainsi que certaines personnes, sûrement, de mauvaise foi, trouvent étrange que notre régime politique se nomme « pouvoir du peuple ». (5)


Gérard Volat (9 avril 2023, enrichi le 15 avril)

Collectif Brave Soldat Chveïk


(1) La Constitution, introduite et commentée, Guy Carcassonne, Marc Guillaume, le Seuil, douzième édition, 2014, Article 11, p.94

(2) Ibid,.p.93

(3) Signalons qu’un « projet » émane de « l’exécutif » alors qu’une « proposition » est l’apanage des députés.

(4) Ibid.,p.95

(5) le mot démocratie vient du grec « kratos », le pouvoir et de « dêmos », le peuple.


* le Conseil Constitutionnel a rejeté la demande de RIP, le 14 avril 2023. Une nouvelle proposition de RIP a été déposé avec une formulation différente. Réponse attendue le 3 mai.


** Frank Riester, actuel ministre des relations avec le parlement confirme :

 « le président peut faire un référendum » France Inter, 15/04/2023, 8h38.

Je souligne: Le président peut s’il le veut. Il n’en a pas l’obligation.