RIC CONSTITUANT : UN PREMIER DROIT POLITIQUE, UN OUTIL D’ÉMANCIPATION (partie 1)

Publié par Emanciper le

RIC Constituant: un premier droit politique, un outil d'émancipation


Le point de vue de Gérard Volat, porte-parole du 


Collectif de réflexion « Brave Soldat Chveïk » (octobre 2022)


En 2019, le mouvement des « Gilets jaunes » a popularisé le Référendum d’Initiative Citoyenne CARL (Constituant ou Constitutionnel, Abrogatif, Révocatoire, Législatif). Depuis, cette idée, cette revendication d’un premier droit politique a fait son chemin. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Le constat est édifiant. La population est mise « hors-jeu ». Elle a quelques droits civiques mais ne possède aucun droit politique. Elle ne vote pas, elle se contente d’élire. Et entre deux élections, elle ne peut pas contrôler ses élus (article 27 de la Constitution) (1). Le peuple est systématiquement écarté du pouvoir au profit d’une oligarchie insubmersible qui survit à l’alternance. On peut changer les joueurs mais le jeu, lui, ne change pas. Il faut donc ouvrir les portes de la démocratie réelle face à un monarque présidentiel aux pouvoirs extravagants.

Pourtant en 2017, 74 % (2) de la population s’est prononcée en faveur du RIC ?

Et une candidate à la présidentielle 2022, Clara Egger (3) a fait du RIC Constituant son unique proposition. Il faut préciser que c’est un outil central de démocratie directe. On ne peut plus continuer à entendre dans les discours de « politiciens » que le peuple est souverain sans que ce dernier possède, à minima, une part de souveraineté. Comme l’affirmait Aristote(4) « le citoyen, c’est celui qui décide » et quand la population décide, le régime se nomme « démocratie ».

Pouvez-vous résumer en quelques lignes le contenu du RIC inscrit dans la Constitution ?

L’idée est simple. C’est la possibilité pour une personne ou un groupe de personnes d’être à l’initiative d’une proposition de loi permettant de déclencher un référendum moyennant certaines modalités. Si la réponse à la question est majoritairement le « oui », la proposition s’impose et le gouvernement exécute sans interférence des représentants, c’est à dire sans passer par l’Assemblée Nationale, le Sénat et sans possibilité de veto du Président. Ce Référendum d’Initiative Citoyenne doit être inscrit dans la Constitution de la République Française figurant dans le bloc Constitutionnel, c’est à dire tout en haut de la hiérarchie des normes, à la différence d’un simple RIC législatif, portant sur une loi ordinaire qui pourrait être détricotée par les députés. Comme le souligne Raoul Magni-Berton « la législation directe permise par le RIC concurrence la législation produite par le parlement. Cette concurrence permet aux citoyens de contrôler leurs élus »(5)

Pouvez-vous nous préciser les modalités ?

Il faut changer un seul article de la constitution, l’article 89 ce qui permettrait d’inverser le rapport de force entre citoyens et élus. Il suffit de modifier 45 mots de l’article pour mettre dans les mains des citoyens le contrôle des règles du jeu (6).

Comment se déroule la mise en œuvre ?

Elle comporte cinq étapes. Prenons un exemple concret.

Étape 1 : Lise écrit une proposition de loi. Elle souhaite instaurer le « 100 % Sécurité sociale » en remboursant à 100 % les soins de santé prescrits et en intégrant les complémentaires santé dans la sécurité sociale. Elle s’assure de la recevabilité de son exposé auprès d’un service juridique qui l’accompagne et sa proposition est validée par le tribunal d’instance.

Étape 2 : Lise doit recevoir des soutiens sous la forme de signatures pour une pétition. Le nombre nécessaire est une question fondamentale (de 500 000 à 700 000 signatures), chiffre à débattre, en tous cas ni trop peu ni inaccessible.

Étape : Lise a obtenu ses signatures. Elles sont vérifiées auprès du Conseil Constitutionnel.

Étape : Lise obtient la date de son référendum et fait campagne avec des débats éclairés, contradictoires sur les médias nationaux et locaux durant plusieurs mois.

Étape : La proposition de loi de Lise a été adoptée à la majorité simple. Il faut maintenant s’assurer de l’exécution de la loi dans des délais raisonnables et éviter les manœuvres dilatoires.

Cet aperçu des étapes clés du RIC nous montre qu’il ne suffit pas de l’ajouter dans un programme électoral pour que l’engagement soit crédible ?

Il ne peut pas être un simple alibi démocratique pour les partis officiels. En effet, il existe des pièges à éviter pour créer un RIC efficace. Les modalités proposées doivent être claires et précises pour permettre à la population de s’approprier cet outil d’émancipation qui est un premier droit politique permanent car chaque citoyen dispose du pouvoir de proposer ou de s’opposer à une loi en tout temps. Avec le RIC Constituant , les citoyens décident et ne se contentent pas de participer, de faire de la figuration comme dans les dispositifs de « démocratie participative » ou « évolutive ».

Dans quels pays le RIC Constituant existe-t-il ?

Dans de nombreux pays, 36 recensés mais il est réellement efficient en Uruguay, dans certains États américains et plus proche de nous, en Suisse où non seulement les citoyens peuvent changer la Constitution mais nul autre qu’eux ne peut le faire. Les représentants qui souhaitent modifier la Constitution ont l’obligation de soumettre leur proposition à référendum sans quoi aucune modification n’est possible. Cette règle existe également en Irlande, Arménie, Andorre, au Danemark, au Portugal et fait que les lois constitutionnelles sont l’apanage des citoyens. Le système fonctionne et ce n’est pas le désordre.

Que pourrait nous permettre le RIC Constituant ?

En 2007, le président Sarkozy aurait eu l’obligation de proposer un référendum pour le traité de Lisbonne, ce qui n’a pas été le cas. Le mouvement des « Gilets Jaunes » aurait pu déclencher une initiative et un référendum sur l’abrogation de la hausse du prix du carburant. C’est donc une mesure pacificatrice. Pas besoin de manifestations géantes avec à la clé, des tensions et une répression contre les manifestants et les militants. De la même manière, le président Macron hésiterait à faire passer sa contre réforme des retraites sachant qu’il aurait une initiative et un référendum sur le sujet pour l’annuler. On pourrait lancer une initiative pour interdire ou limiter certaines niches fiscales qui ne profitent qu’aux plus riches. De même, on pourrait constitutionnaliser le droit à l’avortement.Tous les sujets peuvent être abordés. C’est donc une boussole pour les élus leur permettant d’être en phase avec la majorité de la population. Le RIC est un garde-fou permettant d’intervenir et de décider si nécessaire. Avec le RIC les élus ont enfin l’assurance que leur politique est bien conforme à l’intérêt général et qu’elle est véritablement acceptée par la majorité. Quand les citoyens ont des droits, une épée de Damoclès sur les élus, ces derniers agissent différemment.

Que répondez-vous aux arguments de ceux considérant le peuple comme pas assez éduqué, incapable de prendre les bonnes décisions ?

C’est une posture aristocratique témoignant d’une peur du peuple et la crainte de perdre des privilèges. Ceux qui tiennent de tels propos s’estiment en général très capables de décider pour tout le monde. Les citoyens sont tout à fait compétents pour décider sur les sujets importants qui les concernent.

Ne craignez-vous pas que les médias et les lobbies manipulent les décisions du peuple ?

Il faudra être vigilant sur le pouvoir des lobbies et des médias dominants dont le rôle est de fabriquer l’opinion et le consentement à l’ordre en place mais manipuler le vote de 47 millions de citoyens après des semaines de débats contradictoires est plus compliqué que de manipuler quelques dizaines de « décideurs » dans le secret des cabinets ministériels, non ?

Quelle est l’origine du RIC ?

C’est Condorcet qui le propose dans son projet de Constitution Girondine sous une formulation différente. Son système très démocratique inclut ainsi le référendum contre les lois votées par le parlement, mais aussi l’initiative d’en proposer une ou de demander une modification de la Constitution. Les Girondins écartés, les Montagnards de Robespierre, s’inspireront de Condorcet pour rédiger une Constitution aux principes, également, démocratiques. Cette Constitution de l’An 1 (1793) bien qu’adoptée par le peuple ne sera jamais appliquée, Joseph Sieyes et les « thermidoriens » défendant le système représentatif, ne voulaient surtout pas d’une démocratie directe avec possibilité d’initiative ou de veto du peuple(7).

Comment sortir de l’impuissance politique actuelle ?

Sans une proposition de loi avec une majorité parlementaire ou un projet du président proposant une révision de la Constitution de 1958 avec le RIC inscrit dedans comme mesure prioritaire, c’est impossible. C’est sur un temps plus long avec un tsunami de prise de conscience de la population souhaitant sortir de sa servitude volontaire (8) que l’on pourra ouvrir un nouveau chapitre permettant l’égalité politique, sociale et aller vers l’émancipation, une souveraineté populaire et faire peuple ensemble.

(1) lire « La démocratie en France Aujourd’hui… une Fake News ? Le Crieur de chambé n°6 novembre/décembre 2021, « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du parlement est personnel » Article 27, Constitution de la République Française, Ferdinand Mélin-Soucramanien, p.39, Dalloz, 2019.

(2) Enquête du Pew Research Center, »Globally, Brad Support for Representative and Direct Democracy », octobre 2017, dans « RIC, le Référendum d’initiative Citoyenne expliqué à tous » de Raoul Magni-Berton et Clara Egger, FYP éditions 2019

(3) Pour expliquer le RIC constituant, nous avons puisé dans deux ouvrages majeurs sur le sujet « RIC, le Référendum d’initiative Citoyenne expliqué à tous » de Raoul Magni-Berton et Clara Egger, FYP éditions 2019 et « Pour que voter serve enfin » Clara Egger, Studios TALMA 2022 . Clara Egger est docteure en science politique ; Raoul Magni-Berton est professeur de science politique.Ils sont tous deux cofondateurs du mouvement pour un Dauphiné démocratique qui vise à promouvoir la démocratie directe.

(4) Aristote, Les politiques, III,1,1274b-1275b, trad. P. Pellegrin, GF-Flammarion,1900,p.205-209. ; Le citoyen, Marie Gaille,p.49-51, éditions Flammarion, Paris, 1998

(5) Raoul Magni-Berton & Clara Egger « RIC, le Référendum d’initiative Citoyenne expliqué à tous », p.62

(6) « Pour que voter serve enfin » Clara Egger, Studios TALMA 2022, p.75-77

(7) Pour plus de précisions, lire l’ouvrage d’Olivier Meuwly, « Une histoire politique de la démocratie directe en Suisse »,p.29-40, éditions Livreo Alphyl, Neuchatel, 2018

(8) Etienne de La Boétie, « Discours de la servitude volontaire », éditions Gallimard, Folioplus philosophie, 2008